Billetterie
Theo Lawrence & The Hearts
Scène des Bulles - 16h00
dimanche 21 octobre 2018
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21ème siècle, quelque part en banlieue parisienne. Un enfant s’essaye au piano puis à la guitare. Autodidacte et moti-vé. Ses parents, mélomanes, écoutent les disques qui comptent. Sans rien imposer. À huit ans, le “Elephant” des White Stripes le saisit, littéralement. Et lui montre les chemins secrets menant aux guitares hantées, à l’électricité libératrice, au sud de tous les possibles… Son truc, très vite, c’est dire, en chantant, tout l’amour qu’il a pour les disques, pour ces quelques accords qui ont la force de bouleverser des vies. L’anecdotique sacré, comme disait un songwriter américain aujourd’hui presque oublié. Se mettre au service des morceaux. Faire la musique que l’on a envie d’entendre. Être en mission.
Il s’impose une discipline, compose comme on respire. Il n’attend pas les muses, il les provoque, les convoque, les secoue. Wurlitzer ou guitare, peu importe, il cherche, creuse, façonne. Il n’est pas là pour la gloire, les paillettes ou la facilité. Mais bel et bien pour prolonger l’acte fondateur, honorer le passé pour mieux dessiner l’avenir. Ce que Theo aime, justement, c’est cette possibilité qu’offre la musique: Celle d’être furieusement, sensuellement, irrémédiable-ment vivant, là, maintenant.
Deux 45 tours et un EP voient le jour, en totale indépendance. C’est aussi le temps des premières prestations sé-rieuses sur scène (jusqu’à une participation au festival de jazz de Montréal, terre des ancêtres de Theo). 2015. Theo Lawrence & The Hearts - Theo Lawrence au chant, Thibault Lecocq à la batterie, Nevil Bernard aux claviers, Louis Marin Renaud à la gui-tare et Olivier Viscat à la basse - sont là, ensemble. Même longueur d’ondes. Ils ont les chansons qu’il faut pour un premier album. Le groupe signe chez BMG. Direction Angers, au mythique studio Black Box, pour coucher sur bandes dix chansons, avec, derrière la console, Peter Deimel. Deux semaines loin du monde, deux semaines analo-giques et viscérales, deux semaines où les émotions vont l’emporter sur le pragmatisme, l’aventure sur le calcul. Quand un sourire partagé indique que la chanson est comme il faut. Une première pierre. Une promesse d’après. La transversalité et l’intemporalité sont deux choses primordiales pour le groupe.
Ce premier disque est captivant. On ne connait pas les chansons et pourtant, elles s’imposent sans attendre, comme si elles avaient toujours été là. C’est de la soul, peut-être, du rock, peut-être, c’est surtout une jeunesse qui déchire les certitudes et édifie son propre autel à la gloire du rythme éternel. Ça vrille plus que ça ne brille. Ici, malgré le savoir-faire, la maîtrise indiscutable des instruments, malgré aussi une attitude control freak assumée, ce sont les sentiments qui l’emportent, toujours, un artisanat du coeur. Les planètes sont alignées et les époques fusionnent pour le meil-leur. On se moque rapidement de savoir si Theo Lawrence & The Hearts sont d’ici ou là-bas. On se laisse attraper par ces chansons qui ne craignent jamais de narguer l’horizon. Il y a cette voix, à l’accent irréprochable, - impossible de déceler une identité hexagonale, c’est assez bluffant, pour ne pas dire plus -, qui sait varier les plaisirs et chanter l’existence avec une empathie tangible. L’album s’appelle “Homemade Lemonade”. Theo a quatorze ans, il se promet de donner ce titre à son premier album, un jour… Huit années ont passé et le Theo d’aujourd’hui a tenu sa promesse faite au Theo d’avant. C’est bien. C’est un pacte qui a su résister à la grande horloge du temps. Quand il parle, tou-jours avec cette petite flamme dans les yeux, de Don Cavalli, d’Alabama Shakes, des Ramones et d’Aretha Franklin, de musique thaïlandaise et cambodgienne des années 60, de Willie Nelson, de Joe Tex, de Ray Charles, de Neil Young, de gospel, du Delta, de Tarantino, on comprend qu’ici, les postures n’existent pas. La passion, oui, indéniablement.
On sort de ce disque tout d’abord impressionné par tant de talent et d’audace. Et puis, on sourit. Theo Lawrence & The Hearts ne font que commencer.